Depuis sa création en 1966, la convention collective nationale du travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, plus connue sous le nom de convention 66, régit les conditions salariales d’un secteur entier. Face aux transformations du paysage social, économique et politique, cette convention historique se trouve aujourd’hui à un carrefour décisif. Les structures salariales qu’elle définit sont confrontées à des pressions multiples : exigences budgétaires, attractivité du secteur, évolution des métiers et des compétences. Cette analyse approfondie examine les mécanismes fondamentaux de cette convention, ses impacts sur le terrain et les perspectives d’évolution dans un contexte de mutation profonde du secteur médico-social.
Fondements et principes de la structure salariale selon la convention 66
La convention 66, officiellement signée le 15 mars 1966, constitue le socle réglementaire définissant les relations entre employeurs et salariés dans le secteur social et médico-social à but non lucratif. La structure salariale qu’elle établit repose sur plusieurs principes fondamentaux qui ont traversé les décennies, malgré des adaptations successives.
Au cœur de cette structure se trouve le système de classification qui détermine la rémunération selon trois critères principaux : la qualification requise pour le poste, l’ancienneté du professionnel, et les sujétions particulières liées à l’emploi. Cette architecture traduit une volonté de reconnaissance des compétences et de l’expérience, tout en tenant compte des contraintes spécifiques à certains postes.
Le mécanisme d’ancienneté constitue un pilier central de la convention 66. Il prévoit une augmentation automatique de la rémunération tous les ans, puis tous les trois ans après une certaine durée d’exercice. Ce dispositif vise à fidéliser les professionnels et à valoriser l’expérience acquise au fil du temps. Concrètement, un éducateur spécialisé débutant verra sa rémunération progresser de manière significative après plusieurs années d’exercice, indépendamment de toute évolution de poste.
La convention introduit par ailleurs un système de primes et indemnités qui complètent le salaire de base. Parmi celles-ci figurent l’indemnité de sujétion spéciale (8,21% du salaire brut), les primes de service pour certaines catégories de personnel, ou encore les indemnités pour travail les dimanches et jours fériés. Ces éléments complémentaires peuvent représenter une part substantielle de la rémunération globale.
L’architecture des grilles indiciaires
L’ossature de la structure salariale repose sur des grilles indiciaires qui déterminent, pour chaque métier et niveau de qualification, un indice de référence. Cet indice, multiplié par la valeur du point (fixée par négociation entre partenaires sociaux), donne le salaire de base. Ce système présente l’avantage d’une grande lisibilité et permet des revalorisations uniformes via la négociation de la valeur du point.
Les annexes à la convention précisent les classifications et rémunérations par filière professionnelle :
- Annexe 1 : dispositions générales
- Annexe 2 : personnel de direction, d’administration et de gestion
- Annexe 3 : personnel éducatif, pédagogique et social
- Annexe 4 : personnel paramédical
- Annexe 5 : personnel des services généraux
- Annexe 10 : personnel des établissements et services pour personnes handicapées adultes
Cette organisation par filière traduit la diversité des métiers couverts par la convention et permet une adaptation aux spécificités de chaque secteur d’activité. En 2023, la valeur du point s’établit à 3,93 euros, après plusieurs revalorisations négociées ces dernières années, mais toujours jugées insuffisantes par de nombreux acteurs du secteur.
Enfin, la convention 66 se distingue par sa dimension nationale, garantissant une uniformité des conditions salariales sur l’ensemble du territoire français. Cette caractéristique, qui visait initialement à assurer l’équité entre professionnels, est aujourd’hui questionnée face aux disparités territoriales en termes de coût de la vie et de tensions sur le marché de l’emploi.
Impacts économiques et sociaux sur les établissements et services
Les effets de la structure salariale définie par la convention 66 dépassent largement le cadre des fiches de paie individuelles pour influencer profondément l’économie et l’organisation des établissements et services médico-sociaux. Ces impacts se manifestent à plusieurs niveaux et créent parfois des tensions entre qualité de service, équilibre budgétaire et satisfaction professionnelle.
D’un point de vue budgétaire, la masse salariale représente généralement entre 70% et 80% des charges d’exploitation des établissements médico-sociaux. Les mécanismes d’ancienneté automatiques génèrent une augmentation mécanique de cette masse salariale, indépendamment des financements alloués par les autorités de tarification. Cette situation crée une pression constante sur les budgets, les gestionnaires devant absorber ces hausses sans nécessairement disposer des ressources correspondantes.
Les Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens (CPOM), qui remplacent progressivement les conventions tripartites, accentuent cette problématique en fixant des enveloppes budgétaires sur plusieurs années, parfois sans prise en compte suffisante de l’évolution mécanique des rémunérations. Un directeur d’établissement témoigne : « Nous devons jongler entre le respect de la convention collective, qui génère des hausses automatiques de salaires, et des financements qui stagnent ou progressent moins vite que nos charges. »
Impacts sur la gestion des ressources humaines
La structure salariale influe directement sur les politiques de recrutement et de fidélisation des personnels. Si le mécanisme d’ancienneté favorise théoriquement la stabilité des équipes, la réalité s’avère plus nuancée. Les établissements font face à des difficultés croissantes pour attirer certains profils professionnels, notamment dans les métiers en tension comme les aides-soignants ou les éducateurs spécialisés.
Les écarts de rémunération avec d’autres conventions collectives du secteur (comme la convention 51) ou avec le secteur public hospitalier créent des distorsions sur le marché du travail. L’attractivité salariale varie considérablement selon les professions : relativement favorable pour les personnels éducatifs en début de carrière, elle s’avère moins compétitive pour les personnels soignants ou les cadres de direction.
La rigidité de la grille indiciaire limite par ailleurs les marges de manœuvre des employeurs en matière de politique salariale individualisée. Les possibilités de valoriser spécifiquement certaines compétences ou responsabilités restent limitées, ce qui peut freiner l’innovation organisationnelle et la reconnaissance de l’investissement individuel.
- Difficultés à recruter des professionnels qualifiés dans certains territoires
- Turnover accru dans les métiers insuffisamment valorisés
- Limitation des outils de management par la reconnaissance salariale
- Tensions entre équipes relevant de conventions différentes au sein d’un même organisme gestionnaire
Ces contraintes conduisent parfois à des stratégies d’adaptation discutables, comme le recours à des contrats précaires ou à des qualifications moindres que celles théoriquement requises. Une responsable RH d’une association gestionnaire observe : « Nous sommes parfois contraints de recruter des personnels moins qualifiés, faute de pouvoir offrir des salaires attractifs aux profils expérimentés que nous recherchons. »
L’impact sur la qualité des accompagnements proposés aux personnes vulnérables constitue la préoccupation ultime. Les tensions budgétaires et les difficultés de recrutement peuvent affecter la continuité et la qualité des services, compromettant ainsi la mission fondamentale des établissements et services concernés.
Comparaison avec d’autres conventions et systèmes de rémunération
Pour saisir pleinement les spécificités et les enjeux de la structure salariale de la convention 66, une mise en perspective avec d’autres systèmes de rémunération s’avère indispensable. Cette comparaison permet d’identifier les forces et faiblesses relatives du dispositif, tout en éclairant les débats actuels sur son évolution.
La convention collective 51, qui régit notamment les établissements privés d’hospitalisation, de soins et de cure, présente plusieurs différences structurelles avec la convention 66. Son système de rémunération repose davantage sur une logique de métier que sur une logique de filière. Elle accorde moins d’importance à l’ancienneté (plafonnée à 30% du salaire de base) mais intègre une plus grande part de rémunération liée à la performance individuelle via des compléments métiers. Cette flexibilité accrue permet théoriquement une meilleure adaptation aux réalités du marché du travail et aux compétences spécifiques des professionnels.
Dans le secteur public hospitalier, les grilles indiciaires de la fonction publique hospitalière offrent généralement des rémunérations de début de carrière inférieures à celles de la convention 66 pour les personnels éducatifs, mais plus avantageuses pour les personnels soignants. Les perspectives d’évolution y sont encadrées par un système de grades et d’échelons, avec des possibilités d’accélération liées à l’évaluation professionnelle. La sécurité de l’emploi et le régime de retraite constituent par ailleurs des avantages significatifs qui compensent parfois des niveaux de rémunération directe moins élevés.
Analyse comparative des avantages spécifiques
Une analyse détaillée des différents systèmes fait apparaître des variations significatives dans les avantages annexes et les mécanismes de progression :
- Congés supplémentaires : la convention 66 prévoit des congés trimestriels (jusqu’à 18 jours par an) que l’on ne retrouve pas dans la convention 51
- Prime d’ancienneté : plus généreuse dans la convention 66 (jusqu’à 1% par an) que dans la convention 51 (plafonnée à 30%)
- Valorisation des diplômes : plus systématique dans la fonction publique que dans les conventions du secteur privé non lucratif
- Compléments de rémunération liés aux contraintes de service : plus diversifiés dans le secteur public (NBI, prime de service)
Le secteur privé commercial, qui se développe progressivement dans certains segments du médico-social comme les EHPAD ou l’aide à domicile, propose des modèles de rémunération plus individualisés, souvent basés sur des objectifs quantitatifs. Si ces systèmes offrent parfois des perspectives de rémunération supérieures pour les postes à responsabilité, ils s’accompagnent généralement d’une moindre sécurité d’emploi et d’avantages sociaux plus limités.
À l’échelle européenne, la comparaison révèle des approches contrastées. Les pays nordiques privilégient généralement des niveaux de rémunération élevés associés à des exigences fortes en matière de qualification, tandis que les pays d’Europe du Sud présentent des grilles salariales moins avantageuses mais souvent complétées par des dispositifs de protection sociale étendus.
Cette mise en perspective internationale souligne une particularité française : la coexistence de multiples conventions collectives dans un même secteur d’activité, créant des disparités parfois difficiles à justifier entre professionnels exerçant des missions similaires. Cette fragmentation constitue l’un des arguments avancés par les partisans d’une convention collective unique pour l’ensemble du secteur social et médico-social.
Les comparaisons avec d’autres systèmes mettent en lumière à la fois les acquis sociaux significatifs de la convention 66 (sécurité de l’emploi, reconnaissance de l’ancienneté, congés supplémentaires) et ses limites en termes de flexibilité et d’adaptation aux évolutions des métiers et des attentes des professionnels.
Défis contemporains et tensions dans l’application de la convention
La mise en œuvre de la convention 66 se heurte aujourd’hui à des défis majeurs qui remettent en question certains de ses fondements. Ces tensions, exacerbées par les transformations du secteur médico-social et les contraintes budgétaires croissantes, créent un climat d’incertitude pour l’ensemble des acteurs concernés.
Le premier défi concerne le financement du modèle salarial. Les mécanismes d’évolution automatique des rémunérations, principalement liés à l’ancienneté, génèrent une augmentation structurelle de la masse salariale que les financeurs publics peinent à suivre. Les Agences Régionales de Santé et les Conseils Départementaux, principaux financeurs du secteur, appliquent des taux d’évolution budgétaire souvent inférieurs à la progression naturelle des charges salariales. Cette situation place les gestionnaires d’établissements face à une équation financière de plus en plus complexe.
Un directeur général d’association témoigne : « Nous sommes pris en étau entre notre obligation d’appliquer la convention collective et des financements qui ne suivent pas. Chaque année, nous devons trouver des économies ailleurs pour compenser l’augmentation mécanique de la masse salariale. »
La question de l’attractivité des métiers constitue un second défi majeur. Malgré les revalorisations successives de la valeur du point (passée de 3,76€ à 3,93€ entre 2018 et 2023), les rémunérations proposées dans le cadre de la convention 66 peinent à attirer de nouveaux talents dans un contexte de tension sur le marché du travail. Certains territoires et certains métiers sont particulièrement touchés : les zones urbaines à fort coût de vie, où les salaires conventionnels s’avèrent insuffisants, et les professions paramédicales, qui trouvent des conditions plus avantageuses dans d’autres secteurs.
Tensions liées aux évolutions des métiers
L’évolution rapide des pratiques professionnelles et l’émergence de nouveaux métiers créent des tensions dans l’application d’une convention conçue dans un contexte très différent. Les référentiels métiers qui sous-tendent les classifications salariales peinent à intégrer les nouvelles compétences requises, notamment dans les domaines du numérique, de la coordination de parcours ou de l’accompagnement à domicile.
Les transformations de l’offre médico-sociale, avec le développement de services plus légers et plus inclusifs, questionnent également la pertinence de grilles conçues principalement pour des établissements traditionnels. Les professionnels exerçant dans des dispositifs innovants (habitats inclusifs, plateformes de services, équipes mobiles) peinent parfois à trouver leur place dans les classifications existantes.
- Difficultés à classifier les nouveaux métiers (coordinateurs de parcours, référents numériques)
- Inadaptation des grilles aux services d’accompagnement à domicile
- Absence de valorisation de certaines compétences transversales
- Rigidité face aux organisations de travail innovantes
La question de l’équité interne suscite également des tensions croissantes. Les écarts de traitement entre différentes catégories professionnelles, hérités de l’histoire de la convention, apparaissent parfois difficiles à justifier au regard des responsabilités exercées. La situation des personnels d’encadrement intermédiaire s’avère particulièrement problématique, avec des niveaux de rémunération parfois très proches de ceux des professionnels qu’ils encadrent, malgré des responsabilités accrues.
Ces défis multiples nourrissent un débat permanent sur la nécessité d’une réforme en profondeur de la convention 66. Si les partenaires sociaux s’accordent sur le constat, les solutions envisagées divergent considérablement, entre défense des acquis historiques et volonté de modernisation. Cette situation génère une incertitude qui pèse sur l’ensemble du secteur et complique la projection stratégique des organisations.
Perspectives d’évolution et scénarios pour l’avenir
Face aux défis qui s’accumulent, plusieurs voies d’évolution se dessinent pour la structure salariale de la convention 66. L’analyse des forces en présence et des tendances de fond permet d’esquisser différents scénarios, dont la concrétisation dépendra largement des rapports de force entre les acteurs concernés et du contexte politique général.
Le premier scénario, celui de la réforme progressive, s’inscrit dans la continuité des évolutions récentes. Il prévoit des adaptations ciblées de la convention existante, sans remise en cause de ses principes fondamentaux. Cette approche pourrait se traduire par l’intégration de nouvelles classifications pour les métiers émergents, une révision des coefficients pour certaines catégories sous-valorisées, ou encore l’introduction de mécanismes complémentaires de reconnaissance des compétences spécifiques.
Les négociations en cours entre NEXEM, principal syndicat employeur, et les organisations syndicales de salariés s’inscrivent partiellement dans cette logique. Elles visent notamment à moderniser les classifications tout en préservant les acquis sociaux historiques. Ce scénario présente l’avantage de la stabilité mais risque de ne pas répondre suffisamment aux enjeux structurels identifiés.
Un deuxième scénario, plus ambitieux, envisage la fusion des conventions collectives du secteur social et médico-social. Ce projet, porté notamment par les fédérations d’employeurs, vise à créer une convention unique qui remplacerait les conventions 66, 51, et plusieurs autres accords sectoriels. L’objectif affiché est double : simplifier le paysage conventionnel et construire un cadre plus adapté aux réalités contemporaines du secteur.
Vers une convention collective unique ?
Cette perspective de convention unique suscite des réactions contrastées. Ses partisans y voient l’opportunité de moderniser en profondeur les classifications et les mécanismes de rémunération, tout en harmonisant les conditions d’emploi entre structures relevant actuellement de conventions différentes. Ses détracteurs craignent un nivellement par le bas des acquis sociaux et une perte des spécificités professionnelles.
Les premières propositions émises dans le cadre de ce chantier suggèrent une architecture salariale profondément renouvelée, avec :
- Une part fixe liée au métier et au niveau de qualification
- Une part variable liée à l’expérience, plafonnée dans le temps
- Des compléments de rémunération liés aux sujétions particulières
- Une possibilité d’éléments individualisés basés sur des critères objectifs
Un troisième scénario, plus radical mais moins probable à court terme, consisterait en une refonte complète des modalités de financement et de tarification du secteur. Cette approche, qui dépasserait le cadre strict de la convention collective, s’attaquerait à la racine du problème en garantissant l’adéquation entre les obligations conventionnelles et les ressources allouées aux établissements et services.
Ce scénario pourrait s’appuyer sur la mise en place de mécanismes d’indexation automatique des financements sur l’évolution de la masse salariale conventionnelle, assurant ainsi la soutenabilité du modèle. Il supposerait une volonté politique forte et une redéfinition des relations entre financeurs publics et opérateurs du secteur.
Quelle que soit l’option retenue, plusieurs tendances de fond semblent incontournables dans l’évolution future de la structure salariale :
La valorisation des compétences effectives plutôt que des seuls diplômes initiaux, pour répondre à la diversification des parcours professionnels et reconnaître les acquis de l’expérience.
L’introduction d’une plus grande flexibilité dans les mécanismes d’évolution salariale, pour permettre une meilleure adaptation aux contextes locaux et aux spécificités des différents métiers.
Le renforcement de l’attractivité des métiers en tension, notamment via des dispositifs ciblés de revalorisation ou des parcours d’évolution professionnelle plus clairement définis.
L’harmonisation progressive des conditions d’emploi entre les différentes conventions du secteur, pour réduire les inégalités de traitement et faciliter la mobilité professionnelle.
La mise en place de ces évolutions nécessitera un dialogue social de qualité et une vision partagée de l’avenir du secteur médico-social. Le défi consiste à concilier la préservation des acquis sociaux, l’attractivité des métiers et la soutenabilité économique du modèle, dans un contexte de transformation profonde des politiques sociales et médico-sociales.
Vers un nouvel équilibre entre équité, attractivité et soutenabilité
L’avenir de la structure salariale définie par la convention 66 se jouera dans la recherche d’un nouvel équilibre entre trois impératifs parfois contradictoires : l’équité entre professionnels, l’attractivité des métiers et la soutenabilité économique du modèle. Cette triangulation complexe nécessite une approche systémique qui dépasse le cadre strict de la négociation conventionnelle.
La question de l’équité se pose à plusieurs niveaux. Au sein même de la convention 66, certains déséquilibres historiques entre filières professionnelles apparaissent de moins en moins justifiables. Entre les différentes conventions du secteur médico-social, les écarts de traitement pour des fonctions similaires créent des situations perçues comme injustes. Enfin, les comparaisons avec d’autres secteurs, notamment la fonction publique hospitalière, alimentent un sentiment de dévalorisation chez certains professionnels.
Une responsable syndicale témoigne : « Nous avons des aides-soignants qui, à qualification et ancienneté égales, peuvent percevoir des rémunérations très différentes selon qu’ils travaillent dans un établissement relevant de la convention 66, de la convention 51 ou de la fonction publique. Cette situation n’est pas tenable à long terme. »
Rétablir l’équité supposerait une harmonisation progressive des conditions de rémunération, non seulement entre les conventions du secteur privé non lucratif, mais également avec le secteur public. Cette convergence représente un chantier considérable, tant sur le plan technique que financier.
Repenser l’attractivité des carrières
L’attractivité des métiers constitue un enjeu majeur dans un contexte de pénurie de personnels qualifiés. Au-delà du niveau des rémunérations de base, c’est l’ensemble du parcours professionnel qui doit être repensé pour attirer et fidéliser les talents. Plusieurs leviers peuvent être actionnés :
- La revalorisation significative des salaires d’entrée dans certains métiers en tension
- La création de véritables parcours d’évolution professionnelle au sein du secteur
- La reconnaissance des spécialisations et des expertises spécifiques
- L’amélioration des conditions d’exercice et de la qualité de vie au travail
Ces mesures supposent une vision renouvelée de la gestion des ressources humaines dans le secteur médico-social, dépassant l’approche parfois administrative qui a prévalu jusqu’à présent. Elles impliquent également une réflexion sur les passerelles entre métiers et sur la valorisation de compétences transversales de plus en plus recherchées.
La soutenabilité économique du modèle représente le troisième pilier de cet équilibre à construire. Les contraintes budgétaires qui pèsent sur les financeurs publics ne peuvent être ignorées, mais elles ne doivent pas conduire à une dégradation des conditions d’emploi qui compromettrait in fine la qualité des accompagnements.
Plusieurs pistes méritent d’être explorées pour garantir cette soutenabilité :
L’élaboration de mécanismes de financement qui prennent mieux en compte l’évolution réelle de la masse salariale conventionnelle, évitant ainsi l’effet ciseau entre charges et ressources.
Le développement de modèles d’organisation plus efficients, permettant d’optimiser l’allocation des ressources humaines sans dégrader la qualité du service.
L’investissement dans la prévention des risques professionnels et la qualité de vie au travail, pour réduire l’absentéisme et ses coûts induits considérables.
La mutualisation de certaines fonctions entre établissements et services, générant des économies d’échelle qui peuvent être réinvesties dans la valorisation des professionnels.
La construction de ce nouvel équilibre ne pourra se faire sans un dialogue social de qualité, impliquant l’ensemble des parties prenantes : organisations syndicales, fédérations d’employeurs, pouvoirs publics, mais aussi représentants des personnes accompagnées. Ces dernières, trop souvent oubliées dans les débats techniques sur les conventions collectives, sont pourtant les premières concernées par la qualité et la continuité des accompagnements.
L’enjeu ultime dépasse largement les questions techniques de classification ou d’indice : il s’agit de préserver et de renforcer un modèle d’accompagnement des personnes vulnérables qui constitue un pilier fondamental de notre pacte social. Dans cette perspective, la structure salariale n’est qu’un moyen au service d’une finalité plus noble : garantir à chaque personne accompagnée un soutien professionnel, bienveillant et adapté à ses besoins spécifiques.
Les transformations à venir de la convention 66 s’inscriront nécessairement dans cette vision plus large du rôle et de la place du secteur médico-social dans notre société. Elles devront concilier la reconnaissance légitime des professionnels, la nécessaire modernisation des organisations et la pérennité d’un modèle de solidarité qui fait la spécificité du système français.
